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Fils d'escales Extrait 3

Extraits 3, de Fils d'escales, à paraitre en 2022 (voir)

J’eus seize ans à l’automne 1919. Je m’embarquai comme matelot de pont sur un des
vapeurs de l’estuaire, puis devins aide-cuisinier sur un petit ferry en Manche, enfin
serveur en salle sur un plus gros bâtiment qui desservait la Baltique.
A vingt ans je trimballais  avec  moi  une  malle  remplie  d’ouvrages.  Le  premier,  acquis  au  prix  de 14 francs,  fut :  Le  Travail  du  Style  enseigné  par  les  corrections  manuscrites  des  grands écrivains, d’Antoine  Albalat, un  essai  remarquable, couronné par le prix Saintour de l’Académie française, édité par la Librairie Armand Collin.

Puissent tous celles et ceux qui désirent savoir ce qu’écrire veut dire, en prendre connaissance. Il commence ainsi :
le travail est la condition même d'un bon style. Sauf à de rares exceptions, on peut dire qu'il n'y a pas de livre bien écrit qui n'ait coûté beaucoup de peine.

Le quotidien de mes aïeux n’ayant été pétri depuis des siècles que de labeur et d’obstination, je trouvai là un bel encouragement.
Et ce métier me donnerait le temps nécessaire à leur mise en œuvre. Aussi n’hésitai-je
pas une seconde, lorsqu’en janvier 1922, on m’offrit un poste à bord de la liaison
transatlantique  inaugurale  du  Steamship  le  Orania,  de  la  Royal  Holland  Lloyd.  Il
desservait au départ d’Amsterdam, les villes de Lisbonne, Las Palmas, Pernambouc,
Bahia, Rio de Janeiro, Santos, Montevideo et Buenos-Aires. Tout cet exotisme allait à
coup sûr orienter ma plume vers l’évocation de puissantes épopées et, à l’heure où
j’écris ces lignes, je dispose de trois journées pour transcrire ce que je vécus deux ans
plus tard, lors d’une de nos escales à Lisbonne, un peu avant le départ du 30 juin 1924.

 
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